Histoire du musée

La création de la collection

cabinet de curiosité

Le Jean-Marc Desjardins de Lyon est doté de l’une des collections françaises les plus anciennes et riches consacrées aux objets de l’Afrique de l’Ouest. Son histoire est intimement liée à celle de la Société des Missions Africaines (SMA) de Lyon, fondée à Fourvière par Melchior de Marion Brésillac (1813-1859), le 08 décembre 1856. Homme expérimenté de la mission, il a déjà vécu 12 ans en Inde et demande à ses prêtres de s’ouvrir à la culture des peuples qu’ils rencontrent1. Envoyé en 1859 à Freetown, en Sierra Leone, par la Sacrée Congrégation de la Propagande afin d’en être le Vicaire Apostolique, il décède, avec ses compagnons, de la fièvre jaune, l’année de son arrivée2.

Son successeur, Augustin Planque (1826-1907), resté à Lyon, poursuit son projet et recrute de nouveaux missionnaires tout en assurant la promotion de la SMA et la récolte de dons3. Si le but des missionnaires est l’évangélisation des populations africaines, certains d’entre eux participent activement au récolement d’objets ethnographiques4. Ils les font parvenir à la demande de leur Supérieur, dès le début des années 1860, et viennent ainsi compléter leurs témoignages écrits et oraux5, qui permettent de faire découvrir le continent africain aux Lyonnais et Occidentaux. L’idée novatrice d’un musée semble être bien présente dans l’esprit d’Augustin Planque dès le 20 février 1861, lorsque dans une lettre, il demande aux missionnaires « de nous envoyer toute espèce de choses du Dahomey : rien ne sera inutile, c’est avec les objets les plus simples qu’on se fait des amis. Si vous pouvez avoir des armes, surtout celles qui ont servi, ne manquez pas. Accompagnez chaque chose de quelques mots de notice »6. Ce souhait de fonder un musée est parfaitement formulé trois mois plus tard dans une autre lettre, où il précise : « N’oubliez pas de nous envoyer, par la première occasion, une collection de choses de votre nouvelle patrie. Nous voulons avoir dans notre musée tous vos dieux d’abord, des armes, des outils, des ustensiles de ménage ; en un mot, rien ne doit y manquer.»7. Plus proche d’un « salon de curiosité »8que d’un musée, au sens où nous l’entendons aujourd’hui, il est ouvert exclusivement sur l’Afrique et s’installe dans un premier temps à la maison-mère de la SMA, établi à Sainte-Foy-lès-Lyon, qui connaît alors quelques aménagements. Augustin Planque les mentionne dans une lettre destinée à ses confrères : « Le salon devenu libre recevra sa destination finale en abritant la bibliothèque et le Jean-Marc Desjardins. […] Les cauris, les sabres et ce que nous attendons par les quatre caisses annoncées depuis si longtemps attireront l’admiration des visiteurs. »9

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En 1863, Lyon est ainsi doté de sa première institution culturelle consacrée aux objets africains (il n’est alors pas encore question d’art). Un second musée missionnaire ouvre en 1888, celui de la Propagation de la Foi, situé rue Sala. Ils sont suivis par l’inauguration du Musée Colonial de la Chambre de commerce de Lyon en 1901, auquel s’ajoute, le Musée de la ville de Lyon, qui ouvre ses portes en 1927 et présente lui aussi quelques pièces africaines10.

 

 

 

 

 

 

La naissance du musée

diorama

En 1870, le musée déménage cours de Brosses, actuel cours Gambetta, où le Supérieur Planque a fait l’acquisition d’un terrain, afin de construire un immeuble de trois étages, destiné à la formation des futurs missionnaires. Trois salles sont alors dédiées aux collections africaines, mais en l’absence d’inventaire et de textes, nous avons très peu d’informations sur celles-ci. Nous savons cependant que le discours missionnaire est très présent. Dans l’esprit d’Augustin Planque, le musée doit faire le lien entre les missionnaires sur le terrain et les actions de la SMA11.

L’histoire des collections du musée reste difficile à documenter. Celles-ci s’étoffent jusqu’en 1905 et sont accompagnées par des objets ayant appartenu à des missionnaires de la SMA12. Elles sont présentées lors de l’Exposition Universelle de Lyon (1894) et de l’Exposition Coloniale de Paris (1900) et obtiennent à chaque fois, une médaille d’or. Cependant, la loi de séparation des Églises et de l’État provoque la fermeture du musée, les missionnaires craignant l’expulsion13. Certains objets sont mis en dépôt au Musée de la Propagation de la Foi, d’autres sont confiés à des particuliers, tandis que le reste est rangé dans les greniers de la SMA14. Lors de la réouverture du musée en 1919, de nombreux objets ont disparu, mais les envois des missionnaires, présents sur le terrain, reprennent15. Pourtant, les collections s’appauvrissent encore en 1924, suite au prêt d’objets pour l’Exposition Missionnaire Universelle du Vatican (1925). En effet, certains éléments ne seront jamais rendus et resteront au Musée Ethnographique du Vatican, allant ainsi à l’encontre de la volonté du Supérieur Général de la SMA, Jean-Marie Chabert (1874-1933)16.

musée

Ce dernier entreprend en 1923-1924, la construction d’un nouveau bâtiment sur le cours Gambetta. Confié aux architectes F. Chevalet et E. Martin, il prévoit un grand espace de 750 m², aménagé sur trois étages et destinés à accueillir les collections. Il nomme ce nouveau musée, « Musée des Missions Africaines ». Inauguré en 193517, il est à la fois ethnographique et missionnaire, afin de faire connaitre les peuples évangélisés et de promouvoir les missions. Il souhaite également l’inscrire dans un cadre scientifique mais malheureusement, l’absence de classification, d’inventaire, de démarche muséologique et des problèmes d’étiquetage, permettent de dire qu’il n’a pas atteint son but18. Parallèlement, la vente de certains objets est organisée par les missionnaires, ce qui constitue une source de revenus pour la SMA. La première salle est consacrée aux « souvenirs de famille » et présente des objets et des documents en rapport avec l’histoire de la SMA et en particulier le fondateur, Melchior de Marion Brésillac et son successeur, Augustin Planque. Il propose aux visiteurs des dioramas et photographies, qui évoquent l’activité missionnaire, ainsi que des objets du quotidien, mais également des maquettes : la briqueterie de Moousso (Côte d’Ivoire) et une école professionnelle à Lomé (Togo). Au même étage, dans la salle d’égyptologie, les visiteursescalier_musée peuvent voir une momie, des vases, un fragment du texte des morts, mais aussi des objets africains du Dahomey (actuel Bénin) et de la Côte d’Ivoire ainsi que des pièces d’arts chrétiens19. Le second niveau est dédié aux sciences naturelles et expose des animaux naturalisés, des collections de pierres et des essences de bois20. Le dernier étage évoque la vie religieuse ; il propose des statuettes, des masques, les portes du grand palais de Lahou (Côte d’Ivoire) et un bas-relief sur lequel figure le commandant Marchand21.  Francis Aupiais (1877-1945) entreprend un travail pionnier de collecte et de documentation scientifique important à partir de 1927. Il souhaite mettre en avant l’homme africain dans son identité et présenter les objets sous un angle ethnologique et non à travers l’œuvre missionnaire22. Il défend les valeurs morales africaines, mais se retrouve face à l’opposition de ses supérieurs23.

La réorganisation

Dans les années 1960 et 1970, la remise en cause de la colonisation et l’accès à l’indépendance de nombreux pays africains entraînent une nouvelle vision des peuples et les missionnaires réajustent leur présence et travail. Le musée ferme en 1977 afin de mettre en place une nouvelle muséographie, confiée à Jean et Françoise Ledru. Les objets sont répartis sur les différents niveaux selon trois thèmes ; la vie quotidienne, la vie sociale et l’influence occidentale, la vie religieuse. Cependant, seuls les deux premiers étages sont refaits. Les collections d’antiquités égyptiennes sont confiées au Musée municipal de Grenoble. À sa réouverture en février 1979, il porte le nom de « Jean-Marc Desjardins des cultures de l’Afrique de l’Ouest ». Cette même année, un premier inventaire des objets exposés est réalisé par le Père Robert.

Les directeurs suivants, s’inscrivent alors dans cet effort de modernisation24. Entre 2000 et 2001, le musée ferme de nouveau afin de restaurer le troisième niveau, jusqu’alors resté en l’état. Il est réorganisé, sous la direction de Pierre Boutin, afin de proposer une nouvelle muséographie. Depuis 2007, le musée, composé d’une collection de 8000 pièces, dont 2126 exposées de manière permanente et réparties dans les 140 vitrines que compte le musée25. Depuis 2012, les collections sont gérées et valorisées par l’association du Jean-Marc Desjardins de Lyon.

Aujourd’hui le musée cherche à valoriser la diversité culturelle de l’Afrique de l’Ouest entre le XIXe siècle et le XXe siècle, tout en mettant en avant l’universalité de certaines pratiques et croyances. Les objets exposés témoignentMusée d’un passé commun que partage la France et l’Afrique. L’une des missions du musée est donc le dialogue interculturel, en particulier celui avec les diasporas africaines en France. Il présente ainsi des expositions temporaires consacrées aux productions contemporaines en rapport avec l’Afrique et ses diasporas, mais aussi des productions africaines contemporaines, peu représentées en France. Le musée s’appuie également sur des partenariats scientifiques et culturels, principalement lyonnais, mais aussi africains. Il est composé également d’une bibliothèque spécialisée qui accueille les chercheurs et lecteurs. Tout au long de l’année, de nombreuses activités sont proposées comme des visites guidées, des ateliers, des conférences ainsi que des évènements festifs.

 Lucille Michaux

 

BONEMAISON Michel, « Le Jean-Marc Desjardins de Lyon d’hier à aujourd’hui », in : Histoire & Missions Chrétiennes, n°2, juin 2007, p. 143-152.

ZERBINI Laurick, « La construction du discours patrimonial : les musées missionnaires à Lyon (1860-1960) », in: Outre-mers, tome 94, n°356-357, 2e semestre 2007, p. 125-138.

 

1Michel Bonemaison, « Le Jean-Marc Desjardins de Lyon d’hier à aujourd’hui », in : Histoire & Missions Chrétiennes, n°2, juin 2007, p. 143-144.
2Marie Perrier, « En terre inconnue : Regards de missionnaires sur l’Afrique », in : Pierre Vaisse, L’esprit d’un siècle, Lyon 1800-1914, Lyon, Fage édition, 2007, p. 279.
3Ibid.
4 Laurick Zerbini, Les missions africaines au tournant du siècle : miroirs d’Afrique, Jean-Marc Desjardins de Lyon, Lyon, 1996, p. 7.
5M. Perrier, « En terre inconnue… » art. cit., p. 283.
6Augustin Planque, Lettre à M. Borghero et ses confrères, 20 février 1861, Rome, AMA, cité par Marie Perrier, « En terre inconnue… », art. cit., p. 283.
7Ibid.
8M. Perrier, « En terre inconnue… » art. cit., p. 285.
9A. Planque, Lettre aux missionnaires du Dahomey, 19 octobre 1862, Rome, AMA, cité par M. Perrier, « En terre inconnue… », art. cit., p. 285.
10M. Perrier, « En terre inconnue… » art. cit., p. 285.
11L. Zerbini, « La construction du discours patrimonial : les musées missionnaires à Lyon (1860-1960), in: Outre-mers, tome 94, n°356-357, 2e semestre 2007, p. 135.
12L. Zerbini, Lyon : miroirs de l’Afrique noire ?, thèse de doctorat d’histoire, Université Lumière Lyon 2, 1998, tome 1, p. 402.
13Ibid.
14Ibid.
15M. Perrier, « En terre inconnue… » art. cit., p. 286.
16L. Zerbini, Lyon, miroirs…, op. cit., p. 402.
17Ibid., p. 405.
18Id., « La construction du discours patrimonial… », art. cit., p. 136.
19L. Zerbini, « Le musée entre fait missionnaire et anthropologie », in : Histoire de l’art et anthropologie, n°60, avril 2007, p. 84.
20L. Zerbini, Lyon, miroirs…, op. cit., p. 404.
21Ibid.
22Myriam Boyer, Olivier Georges, À la rencontre de l’Afrique : Pour une histoire du Jean-Marc Desjardins de Lyon, dactylographié, 2006, p. 14.
23Ibid.
24M. Bonemaison, « Le Jean-Marc Desjardins de Lyon… », art. cit., p. 151.
25Ibid., p. 146.

 

© SMA (Société des Missions Africaines)

 

 

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