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TROISIÊME
NIVEAU :
·
Le Dieu Souverain
·
Esprits - Génies
et Ancetres
· Cosmos
et Ordre Social · Devins
et Guérisseurs
· Le
Domaine de l'Art ·
Monde Visible et Invisible
· Profiter
au Maximum de la Vie
Un
Dieu Souverain
La
croyance en un Dieu unique est le fondement premier de la
religion traditionnelle africaine. Il s'agit d'un Dieu transcendant,
créateur de l'univers et résidant au firmament
(souvent d'ailleurs le même mot sert à désigner
Dieu et le ciel). Considéré comme le maître
du cosmos, ce Dieu ne peut être abordé directementi:
ce serait lui manquer de respect. C'est pourquoi, de la même
manière qu'on ne peut s'adresser à un personnage
de haut rang sans passer par un intermédiaire, la divinité
suprême ne peut être invoquée que par le
truchement des "esprits" qui assurent la communication
entre le ciel et la terre. Il nous paraît donc tout
à fait impropre de parler de polythéisme à
propos de cette religion.
Esprits, Génies
Ancêtres
La population du monde des esprits est très diverse.
Il y a en premier lieu les ancêtres, aisément
accessibles puisqu'ils sont assez facilement situés
dans le temps humain. Ce n'est déjà plus le
cas pour les "ancêtres primordiaux" mythifiés,
que l'on fait remonter à l'émergence de l'humanité.
Il y a ensuite tout un ensemble de "divinités"
souvent liées à des éléments naturels
(foudre, fer, eau, etc.) ou à des lieux géographiques
précis (montagne, marigot, arbre géant...,).
Mais elles ne s'identifient pas à ces éléments
naturels qui ne sont, en quelque sorte, que leur lieu de résidence.
Enfin la brousse est peuplée de génies, créatures
anthropomorphes chargées de récompenser ou de
punir les hommes, et qui sont souvent à l'origine des
découvertes essentielles de l'humanité (feu,
travail des métaux, agriculture, etc.).
Cosmos
et Ordre
Social
Tous
ces êtres invisibles sont généralement
l'objet d'un culte qui a souvent tendance à masquer
la prééminence de Dieu. C'est sans doute une
des raisons pour lesquelles les rites africains paraissent
fréquemment entachés de magie : Dieu, qu'on
ne saurait "manipuler", a mis à la disposition
des hommes le monde des esprits dont on peut marchander les
faveurs par le biais des sacrifices. Ainsi vécue, la
religion peut alors tendre vers le fétichisme : la
divinité elle-même disparaît derrière
l'objet qui devient en lui-même le destinataire du culte.
Généralement, les Africains ne se perdent pas
en de grandes spéculations sur leurs croyances : la
religion est davantage du domaine du vécu que de la
théologie. Il importe en effet que l'homme se situe
dans l'univers et qu'il se donne les moyens de vivre en harmonie
dans la société, telle qu'elle a été
organisée par les ancêtres. La religion traditionnelle
a donc pour double but d'intégrer les individus dans
le cosmos et de perpétuer l'ordre social.
Devins
et Guérisseurs
Dans
la plupart des sociétés africaines, le devin
guérisseur est le spécialiste de la communication
avec le monde invisible. C'est lui que l'on va consulter pour
se prémunir contre d'éventuelles agressions
extérieures (celle des sorciers mangeurs d'âmes,
par exemple), ou pour avoir l'explication de telle situation
douloureuse (maladie, échec scolaire ou autre). De
son contact avec les esprits, il tire le pouvoir de détecter
le mal à la racine ; par ses connaissances de la pharmacopée,
il est capable de proposer un traitement curatif. Son rôle
n'est donc pas seulement de guérir le mal physique
: on lui demande surtout d'interpréter les événements
marquants de l'existence humaine, heureux ou malheureux.
Ces "prêtres traditionnels" sont de plus en
plus concurrencés par des guérisseurs qui sont
davantage des commerçants que des agents de l'ordre
social. Parmi eux, mentionnons les marabouts qui vendent,
souvent fort cher, leurs services à une clientèle
désemparée ou assoiffée de pouvoir.
Ils n'ont bien sûr rien de commun avec les marabouts
de la mystique musulmane.
Le
domaine de l'Art
Une
des caractéristiques essentielles de l'art africain
est qu'il est un art "utile", et ceci est particulièrement
vrai pour l'art religieux. Les masques, les statuettes et
autres objets rituels ne sont pas seulement un exercice de
style. L'artiste, même s'il dispose d'une certaine latitude
pour s'exprimer librement, doit tenir compte des exigences
de son commanditaire et de l'idéologie de son ethnie.
Il n'est pas toujours facile d'identifier avec certitude l'objet
qu'on a sous les yeux, car il a souvent été
collecté à la hâte, sans aucun souci d'en
connaître le sens. On peut déplorer qu'aujourd'hui
encore l'art africain ne soit considéré, par
le plus grand nombre, que sous son aspect purement esthétique.
De plus, en devenant l'objet d'âpres spéculations
qui, à la limite, le réduisent à l'état
de valeur d'investissement, il perd son âme.
Certaines statuettes illustrent ce problème d'identification
que nous évoquions plus haut. Par exemple elles peuvent
être tout aussi bien l'effigie d'un ancêtre que
la représentation d'une "fiancée de l'au-delà".
Dans le premier cas, la statuette sera l'objet de la vénération
de toute la famille. Dans la seconde hypothèse, elle
ne concerne qu'un individu : celui qui, à travers elle,
manifeste sa tendresse à l'épouse qu'il avait
dans son existence de l'au-delà.
En effet, chez les Baoulé, tout homme est censé
avoir connu une autre vie, sur le modèle de la vie
terrestre. Et les devins interprètent facilement les
problèmes conjugaux d'un homme ou d'une femme comme
résultant de la vengeance du précédent
conjoint. La prescription est alors invariable : il faut recréer
des liens affectifs avec lui, afin de mettre un terme à
sa jalousie destructrice. La statuette devient le signe de
cette présence et le symbole de cette liaison renouée.
Le
Monde Visibile
et Invisibile
Les
objets religieux présentés au troisième
niveau du musée pourraient être classés
en deux grandes catégories : les accessoires du culte
et les effigies des habitants de l'au-delà.
Dans le premier groupe, on trouve tout ce qui peut servir
pour accomplir les rites sacrés : panoplie du devin,
instruments de musique, vaisselles, parures, etc.
Il arrive que certains de ces accessoires soient eux-mêmes
porteurs d'une charge mystique et se trouvent alors investis
d'un caractère sacré ; c'est la cas des sièges
ancestraux akan dont nous avons déjà parlé.
Les effigies des habitants du monde invisible se retrouvent
dans la statuaire et dans les masques. Ces derniers, surtout,
impressionnent notre sensibilité européenne.
Pourtant, ce sont le plus souvent des oeuvres tronquées
qu'il nous est donné de contempler dans nos musées.
Le masque, en effet, ne se résume pas à la partie
qui est portée devant le visage ou sur la tête.
Il comporte aussi toutes les fibres végétales
et tous les tissus qui "masquent" totalement le
corps du danseur. Ainsi l'homme disparaît pour mieux
manifester la présence de l'esprit qui le possède,
car telle est la fonction du masque : rendre présent
un être de l'au-delà pour aider, ou contraindre,
l'homme à bien se situer dans le cosmos.
La diversité des formes et des styles, parfois au sein
d'une même ethnie, est étonnante. Naturalisme
des Dan, expressionnisme des Wè, tendance à
l'abstraction des Grébo, par exemple, témoignent
du haut degré d'inventivité des artistes africains.
Ces formes si diverses ne prétendent pas donner une
image fidèle de la réalité. Elles ont
une valeur hautement symbolique et font référence
aux mythes qui sous-tendent les croyances. Ainsi le masque
zamblé des Gouro évoque à la fois le
léopard et le bongo (grosse antilope de forêt),
et sa chorégraphie imite les attitudes de ces deux
animaux. Mais en réalité il représente
un "génie" qui s'est manifesté à
un chasseur et qui avait certaines qualités physiques
de ces animaux.
A propos des statuettes, on peut globalement faire les mêmes
remarques, au moins en ce qui concerne leur caractère
symbolique et leur fonction religieuse. Bon nombre d'entre
elles sont vouées au culte des ancêtres, d'autres
manifestent la présence d'une divinité tutélaire
que l'on invoque dans telle circonstance. Ainsi en est-il
des fameuses "poupées de fécondité"
des Ashanti qui sont vénérées par les
femmes en quête de maternité... D'autres encore
représentent les jumeaux défunts; la gémellité
est perçue comme un phénomène très
ambivalent en Afrique. On se réjouit d'un surcroît
exceptionnel de vie, mais en même temps, on craint les
jumeaux qui sont réputés posséder un
esprit "puissant" : il importe donc de canaliser
ce potentiel et de le mettre au service du groupe en les entourant
de prévenances, de leur vivant comme après leur
mort.
Profiter
au maximun de la Vie
Une
étude stylistique dépasse le cadre de ce modeste
ouvrage. Nous nous contenterons donc de quelques données
très partielles.
Généralement, la tête a des proportions
imposantes, comme si l'artiste voulait magnifier le siège
de la pensée et de l'intelligence. L'abdomen est également
bien souligné et parfois comme désigné
par les mains qui reposent au niveau de l'ombilic : évocation
des fonctions reproductrices, mais aussi des entrailles qui
sont le siège des sentiments et de la rectitude morale.
Les jambes et les pieds sont traités plus sommairement
et donnent l'impression que le sujet est enraciné dans
la terre, comme si le sculpteur exprimait sa passion pour
les "choses de la vie". En effet, il nous semble
que, si les Africains privilégient tant leurs rapports
avec le monde invisible, ce n'est pas tellement pour s'évader
de ce monde hostile que pour trouver la solution aux problèmes
quotidiens et mieux profiter d'une vie que l'on trouve toujours
trop courte. En privilégiant le sens, sans cependant
renoncer à l'émotion esthétique, les
animistes africains nous donnent une belle leçon d'humanisme.
Car tel est bien leur propos : aider l'homme à s'épanouir
et à trouver les chemins de la réussite.
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