Monde visible et invisible

Les objets religieux présentés au troisième niveau du musée pourraient être classés en deux grandes catégories : les accessoires du culte et les effigies des habitants de l'au-delà.

Dans le premier groupe, on trouve tout ce qui peut servir pour accomplir les rites sacrés : panoplie du devin, instruments de musique, vaisselles, parures, etc.

Il arrive que certains de ces accessoires soient eux-mêmes porteurs d'une charge mystique et se trouvent alors investis d'un caractère sacré ; c'est la cas des sièges ancestraux akan.

Les effigies des habitants du monde invisible se retrouvent dans la statuaire et dans les masques. Ces derniers, surtout, impressionnent notre sensibilité européenne. Pourtant, ce sont le plus souvent des œuvres tronquées qu'il nous est donné de contempler dans nos musées.

Le masque, en effet, ne se résume pas à la partie qui est portée devant le visage ou sur la tête. Il comporte aussi toutes les fibres végétales et tous les tissus qui "masquent" totalement le corps du danseur.

Ainsi l'homme disparaît pour mieux manifester la présence de l'esprit qui le possède, car telle est la fonction du masque : rendre présent un être de l'au-delà pour aider, ou contraindre, l'homme à bien se situer dans le cosmos.

La diversité des formes et des styles, parfois au sein d'une même ethnie, est étonnante. Naturalisme des Dan, expressionnisme des Wè, tendance à l'abstraction des Grébo, par exemple, témoignent du haut degré d'inventivité des artistes africains.

Ces formes si diverses ne prétendent pas donner une image fidèle de la réalité. Elles ont une valeur hautement symbolique et font référence aux mythes qui sous-tendent les croyances.

Ainsi le masque zamblé des Gouro évoque à la fois le léopard et le bongo (grosse antilope de forêt), et sa chorégraphie imite les attitudes de ces deux animaux. Mais en réalité il représente un "génie" qui s'est manifesté à un chasseur et qui avait certaines qualités physiques de ces animaux.

Les statuettes, ont aussi une fonction symbolique et religieuse. Bon nombre d'entre elles sont vouées au culte des ancêtres, d'autres manifestent la présence d'une divinité tutélaire que l'on invoque dans telle circonstance. Ainsi en est-il des fameuses "poupées de fécondité" des Ashanti qui sont vénérées par les femmes en quête de maternité...

D'autres encore représentent les jumeaux défunts; la gémellité est perçue comme un phénomène très ambivalent en Afrique. On se réjouit d'un surcroît exceptionnel de vie, mais en même temps, on craint les jumeaux qui sont réputés posséder un esprit "puissant" : il importe donc de canaliser ce potentiel et de le mettre au service du groupe en les entourant de prévenances, de leur vivant comme après leur mort.

Pour résumer, les formes, les proportions des objets africains sont remplies de symboles et développent un style artistique à part. La tête a des proportions imposantes, comme si l'artiste voulait magnifier le siège de la pensée et de l'intelligence.

L'abdomen est également bien souligné et parfois comme désigné par les mains qui reposent au niveau de l'ombilic : évocation des fonctions reproductrices, mais aussi des entrailles qui sont le siège des sentiments et de la rectitude morale. 

Les jambes et les pieds, traités plus grossièrement, donnent l'impression que le sujet est enraciné dans la terre, comme si le sculpteur exprimait sa passion pour les "choses de la vie".

En effet, il nous semble que, si les Africains privilégient tant leurs rapports avec le monde invisible, ce n'est pas tellement pour s'évader de ce monde hostile que pour trouver la solution aux problèmes quotidiens et mieux profiter d'une vie que l'on trouve toujours trop courte. C’est une belle leçon d’humanisme. 

 

 

Contact

Jean-Marc Desjardins

7 Rue Rabelais

69003 Lyon, FR

Tel : +33 4 78 52 30 61

admin@musee-africain-lyon.org

 

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